Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

Là, le père et l'aïeul, pensifs, chargés d'hivers,
De tout ce qu'ils ont fait cherchant la sombre trace,
Méditant sur leur vie ainsi que sur leur race,
Contemplent, seuls, et loin des rires triomphants,
Leurs forfaits, moins hideux encor que leurs enfants.

Quand on me dit que Hatto, fils de Magnus, marquis de Vérone, burgrave de Nollig, est le père de Gorlois, fils de Hatto (bâtard), burgrave de Sareck, on ne me dit rien, dit-elle. Je ne les connais pas. Je ne les connaîtrai jamais. Mais quand on me dit que Chérubin est mort, dans la vive attaque d'un fort où il n était point commandé, oh alors on me dit quelque chose, dit-elle. Et je sais très bien ce que l'on me dit. Un secret tressaillement m'avertit qu'en effet j'ai entendu. Quoi, notre Chérubin. Et quand je retrouve le même Figaro et la même Suzanne, et la même comtesse et le même comte Almaviva vieillis, alors on me dit quelque chose, alors on me parle, alors on me dit quelque chose du vieillissement.

Rien n'est aussi faux, dit-elle, que cette idée que l'on a, (et étant fausse, alors naturellement on l'a toujours, on la trouve partout), que les bons historiens sont ceux qui dans l'étude du passé s'abstrayent complètement de leur temps, du souci de leur temps, et que les mauvais historiens sont ceux qui portent jusque dans le passé les préoccupations et les soucis de leur temps. C'est beaucoup moins simple, mes aïeux, dit-elle,