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qu'il ne faut pas passer au long du cimetière, ni au long des murs du cimetière, ni même au long des mo- numents, mais que restant situé dans la même race, et charnelle et spirituelle, et temporelle et éternelle, il s'agit d'évoquer simplement les anciens. Et de les invo- quer. Les anciens de la même race. Les anciens dans la même race. Situés à un point d'ailleurs mouvant de cette race il s'agit par un regard intérieur de remonter dans la race elle-même, de rattraper l'arriéré de la race; et on ne peut le faire que par une opération de mémoire et de vieillissement.

Il s'agit de remonter la race elle-même, comme on dit : remonter le cours d'un fleuve.

Tout est dit- elle ou inscription ou remémoration. Et rien n'est aussi contraire et étranger que l'un à l'autre.

On peut dire, dit-elle, que l'inscription et la remémo- ration sont à angle droit, dit-elle, qu'elles sont incli- nées de quatre-vingt-dix degrés de l'un sur l'autre. L'histoire est essentiellement longitudinale, la mémoire est essentiellement verticale. L'histoire consiste essen- tiellement à passer au long de l'événement. La mé- moire consiste essentiellement, étant dedans l'événe- ment, avant tout à n'en pas sortir, à y rester, et à le remonter en dedans.

La mémoire et l'histoire forment un angle droit.

L'histoire est parallèle à l'événement, la mémoire lui est centrale et axiale.

L'histoire glisse pour ainsi dire sur une rainure lon- gitudinale le long de l'événement ; l'histoire glisse paral-

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