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ŒUVRES POSTHUMES d'agneau, un menu râble de lièvre ou de lapin, une blanche et tendre épaule de chevreau, un blanc de poulet : car alors nos autels n'étaient point délaissés. Elles buvaient dans le creux de leur main des eaux non filtrées, ni des eaux en bouteilles, rassurez-vous ; nullement de vos eaux minérales ; au long- du chemin elles buvaient au creux de leurs petites mains des eaux salutaires, les eaux des ruisseaux des bois, elles se pen- chaient aux sources des Nymphes Ilamadryades. Quand je n'étais pas là pour les conduire, elles faisaient sou- vent l'école buissonnière. Elles s'arrêtaient en chemin, causaient aux passants, bavardaient avec les nymphes des bois. Je dois dire qu'elles apprirent des passants et des nymphes des bois, qu'elles reçurent beaucoup d'enseignements que notre oncle Apollon ne pouvait décemment leur distribuer. Je suis la première à avouer qu'il y avait beaucoup de manques dans les enseigne- ments apolliniens, et qu'il était bon, qu'il était néces- saire de les complé(men)ter par certains autres ensei- gnements sur lesquels vous me permettrez de n'insister point. Moi je restais presque tous les jours à la maison pour aider ma pauvre mère à faire le ménage. Notre pauvre père, vous le savez, ne s'occupait presque jamais de nous. Il avait des mœurs déplorables. Ne vous étonnez pas que j'ose ainsi, moi une fille, parler ainsi de mon père. Ne vous en offensez point. Moi l'histoireje suis forcée de tout dire et de ne pas igno- rer bien des choses. Notre pauvre père n'était jamais à la maison. Notre (pauvre) mère était bien malheureuse.

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