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G L I tion, ce cortège antique et cette cinéraire présentation, quand il s'est agi de mettre la clef de voûte à ce temple des morts, quand enfin, il faut dire le mot, il s'est agi de porter le coup, il a très bien senti que moi l'histoire cette fois-ci je n'étais pas capable de porter le coup. Que littéralement je n'étais pas de taille. Un secret instinct littéraire, le seul qui ne trompe jamais, l'aver- tit que cette fois-ci il fallait aller en chercher un autre que moi. Quand je dis porter le coup, je veux dire, j'entends porter au sens non pas tant de frapper le coup que de le soutenir, au sens de porter une charge. Comme la clef porte la voûte. En ce sens-là il a très bien compris, il a très bien senti que je ne pouvais pas tenir le coup, que les avancées, que les approchées, que tout ce qui précédait et annonçait, que les annoncées étaient non pas seulement trop charnelles (et trop réelles), mais trop éternelles, (et trop réelles); et qu'elles en voulaient et qu'elles en exigeaient un autre. Et qu'elles en annonçaient un autre. Un secret instinct littéraire, le secret instinct du génie même, l'avertissait que cette fois moi l'histoire je n'étais pas de force. Trop de mas- sacres avaient été consommés dans les vers précédents. Trop de morts avaient été remémorés et commémorés dans des alexandrins antiques. Trop de cadavres avaient été couchés, trop de cadavres avaient été enterrés. Trop de morts avaient été pleures. Trop de sacrifices et trop de meurtres avaient été roulés dans les plus purs linceuls. Trop de terre avait été versée. Trop de sang coulait encore. Trop de victimes et trop de mar-

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