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Mais enfin, tant que le démon travaille de son côté, ma pauvre enfant ma pauvre enfant on peut presque dire qu’il n’y a rien à dire ; hélas hélas, malheureusement hélas, c’est triste à dire, c’est affreux à dire : mais enfin, quand il travaille de son côté, on pourrait presque dire, tu me comprends bien, ma petite enfant, en un sens on pourrait presque dire que c’est son droit ; que c’est légitime, comme légitime ; quand il travaille dans son domaine, dans son royaume, hélas dans son royaume de perdition ; quand il travaille dans les sentiments qui travaillent pour lui ; quand il travaille dans les sentiments qui le servent, qui lui servent, naturellement ; qui sont faits, hélas, qui sont comme faits pour lui ; quand il travaille, quand il joue dans les passions qui lui reviennent ; quand il joue son jeu, le misérable ; quand il descend les pentes qui lui sont, hélas, comme réservées.

Comme abandonnées.

Seulement alors son domaine était toujours limité, son royaume, son misérable royaume. Il n’obtenait jamais, il ne pouvait obtenir qu’un certain nombre d’âmes. Alors il a inventé, le misérable, il a imaginé, le perfide, le pernicieux, le pestilentiel, il a inventé, il a imaginé d’inventer un péché ; un péché nouveau ; un singulier péché ; un péché propre ; un péché particulier ; un péché par qui enfin il passerait de l’autre côté ; par qui ainsi enfin il doublerait, il étendrait indéfiniment, infiniment son domaine, son royaume de perdition ; par qui enfin il loucherait, il tenterait les saints mêmes de Dieu.

Il atteindrait de la main les saints mêmes de Dieu.