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donc l’un donc de ceux sur qui l’on passe le plus aveuglément, le plus aisément, le plus inattentivement, le plus sans sauter, que cette espèce de différence absolue, (irrévocable, irréversible, comme infinie), qu’il y a dans le prix des événements. Que certains événements soient d’un certain prix, aient un certain prix, un prix propre ; que des événements différents du même ordre ou d’ordres voisins, ayant la même matière ou des matières du même ordre et de même valeur, ayant la même forme ou des formes du même ordre et de même valeur, aient pourtant des prix, des valeurs infiniment différentes ; que chaque événement, opérant une même matière, faisant devenir une même matière, sous une même forme, dans une même forme, que tout événement ait pourtant un prix propre, mystérieux, une force propre en soi, une valeur propre, mystérieuse ; qu’il y ait des guerres et des paix qui aient une valeur propre, qu’il y ait des affaires qui aient une valeur propre, absolue ; qu’il y ait des héroïsmes qui aient une valeur propre ; qu’il y ait des saintetés même qui aient une valeur propre, c’est assurément un des plus grands mystères de l’événement, un des plus poignants problèmes de l’histoire ; qu’il y ait non seulement des hommes (et des dieux) qui comptent plus que d’autres, infiniment plus, mais qu’il y ait des peuples, qui sont comme marqués, qu’il y ait comme une destination, comme une évaluation, comme une mesure non pas seulement des hommes et des dieux, mais des peuples mêmes ; qu’il y ait des peuples tout entiers qui aient un prix, une valeur propre, qui soient marqués pour l’histoire, pour toute l’histoire temporelle, et (par suite) peut-être sans doute pour l’autre, et que des peuples tout entiers, tant