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pas de classiques et de romantiques… C’est des bêtises… Je regrette de n’être pas mieux portant pour t’expliquer… » Nous ne saurons jamais quels arguments se réservait de me donner Moréas, mais je suis de son avis ; je crois qu’un sentiment dit romantique, s’il est mené à un degré supérieur de culture, prend un caractère classique. J’ai vu Moréas passer de l’une à l’autre esthétique, à mesure qu’il s’ennoblissait moralement, et je me rends compte qu’il a trouvé ses perfectionnements d’art dans son cœur assagi.

Vous entendrez parler souvent, mon ami, non point de cette esthétique nouvelle ; c’est plus qu’une esthétique nouvelle ; c’est simplement une reconnaissance poussée par un grand écrivain dans les profondeurs de l’esthétique éternelle. Sans aucun appareil dogmatique, sans aucun grossissement professoral vous avez reconnu là une de ces reconnaissances modestes profondes, une de ces propositions cardinales que l’on trouve dans un écrivain, et tout s’éclaire ; les débats s’éclairent ; soudain ; les difficultés tombent ; on les trouve, on trouve ces propositions, et on est tout saisi de les avoir trouvées. On les avait en dedans, depuis toujours, on les avait bien, on s’en servait, on vivait dessus, mais on ne se les était pas formulées. C’est une de ces quelques propositions cardinales autour de qui les positions tournent.

Ce bon ordre, continuait Barrès, cette économie souveraine qui règne dans ses poèmes, c’est la simplicité qu’il mettait dans sa vie si digne et si claire ; son lyrisme concentré, c’est une mâle pudeur ; ses raccourcis, son