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vers, les quatre vers culminants, les quatre vers de Bérénice font entendre une protestation éternelle ; ils sont même sept :

Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un an dans un mois comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence, et que le jour finisse,
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?

Mais nous avons quarante ans, je crois l’avoir dit. Nous savons de la vie, nous connaissons, nous avons éprouvé de la vie. Nous sommes plus exigeants. Il ne nous suffit plus qu’un marbre soit impeccable. Il ne nous suffit plus qu’un vêtement de marbre. Nous voulons, nous devons rechercher plus avant. Plus outre. Sous le grain parfaitement fin, parfaitement pur de ce marbre, sous les plis impeccables, parfaitement harmonieux de ce vêtement, de ce revêtement, sous les plis antiques, inimitables, sous la draperie antique nous voulons savoir si un cœur bat pur, ou si ce ne serait pas un cceur cruel ; sous cette patine invinciblement dorée nous voulons savoir quel sang coule dans ces veines ; et si ce sont des veines pécheresses, au moins de quel péché ; tâche ingrate, proposition ingrate, propos ingrat ; exigence ingrate ; exigence virile ; requête ingrate, réquisition ingrate ; exigence quarantenaire nous voulons savoir comment sont articulés ces muscles de marbre, comment ils sont insérés dans l’épaule et dans la hanche, comment on leur a mis le bras dans