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qui avait donné tant de héros et tant de saints, innombrables, tant de citoyens et tant de chrétiens, tant de justes, tant de martyrs,

Et l’onde aux plis infranchissables,


tant de poètes et tant d’artistes, tant d’inventeurs, (tant de savants), et qui infatigablement en donnerait, en devait donner, en allait donner infatigablement tant d’autres, une sève infatigable, une race montante et remontante infatigable, tant de guerriers et de victimes serait celle aussi, tant de penseurs et de philosophes ; le plus grand poète tragique ; le plus grand penseur ; le plus grand philosophe, (pour ne point parler du siècle présent) ; serait aussi celui qui à quarante siècles de distance, hors de son temps, hors de son lieu ; hors de son propos ; à quarante siècles d’écart, à trente et quarante siècles de retard donnerait un des plus grands poètes païens qu’il y ait jamais eu dans le monde créé.



Tout ça, mon cher Halévy, c’était pour vous dire. Que dès la première fois qu’on entre en contact avec ce texte extraordinaire, ce Booz endormi, dès les plus anciennes années, dès les plus basses premières classes du lycée, et ensuite toutes les fois qu’on le relit, qui est toujours la première, la première fois qu’on le lit, (précisément pour une part, pour une grande part, à cause de cette nouveauté que nous disions, à cause de cette premièreté), toutes les fois surtout qu’on le relit, qu’on le lit dans sa mémoire, (où il demeure intact, où il demeure