Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doublement païen. C’était sa nature même, son génie. Négativement et positivement. Premièrement, (et c’est utile à dire, il faut le dire pour un moderne, pour un homme qui vivait en un temps moderne, où tant de gens le sont qui ne le croient pas, pour un homme qui vivait dans le temps moderne, dans le monde moderne, temporellement chez les modernes), premièrement en ce qu’il n’était nullement chrétien. Deuxièmement en ce qu’il était païen. Naturellement, de race païen.

Hugo ne fut jamais chretien. Il ne l’était pas. Et naturellement moins encore, si c’est possible, dans la première période de sa vie, dans la période légitimiste, orléaniste, royaliste, officiellement catholique, (officiellement chrétienne), que dans le restant de sa vie, dans la deuxième période, dans la période napoléonienne, césarienne (révolutionnaire), démocratique, républicaine. Vaguement panthéiste, si l’on voulait. C’est toujours ainsi. D’une part, chrétien c’est ce qu’il fut certainement le moins. Il ne le fut pas du tout. On se demande même presque comment il réussit, comment il a pu à ce point ne pas l’être du tout. D’autre part, ainsi il le fut moins je crois que personne dans les temps modernes, (où tant d’hommes l’ont été plus ou moins, qui ne le croyaient pas, où tant d’hommes ne l’ont pas été, qui croyaient l’être, ou qui le disaient.) Il n’a même reçu aucune de ces innombrables infiltrations chrétiennes, presque inévitables même encore aujourd’hui, il n’a été éclairé d’aucun de ces clairs-obscurs, d’aucune de ces lueurs éparses, d’aucun de ces éclairements chrétiens qui vaillent que vaillent maintiennent dans le monde moderne, vaille que vaille, dans le temps moderne, sinon le règne du règne de Dieu, du moins