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juste, si dans le même ton qu’ils étaient partis, dans le même ton qu’ils avaient été lancés, à moins d’un comma près, à zéro près), (zéro virgule zéro), comme des mots de travail, comme un mot qu’on lance, comme un forgeron, comme le maréchal-ferrant, comme un mot qu’on lance dans l’intervalle que le lourd marteau sonne sur la lourde enclume. Comme un mot à rebondissement, une balle, un mot (bien) rebondissant. Je vous l’ai dit aussi, donc, aussi comme un mot de régiment. Comme un mot de frère d’armes, comme un mot de mess et de chambrée. Comme un mot de camarade, de compagnon, (d’atelier) ; de camarade (d’atelier) à camarade (d’atelier) ; de compagnon à compagnon ; presque comme un mot de compagnonnage. Vous ne l’avez pas entendu ainsi. Donc j’ai eu tort. Je me rends bien compte que pour jouer il faut être deux, même aux rudes jeux du travail, et qu’il faut être d’accord, profondément, avoir posé un statut profond, fût-il tacite. Ainsi ce n’était plus, ce n’était pas une offense. Exactement ce n’était pas encore une offense. C’était une rude cordialité. L’offense est née très précisément au changement de sens, au changement de plan, au changement de langage. Au changement de registre. La balle, partie d’un certain jeu, a été reçue dans un autre jeu. Malencontreusement. J’ai donc eu tort. Un mot, un propos, commencé, lancé dans un certain sens, dans et sur un certain plan, dans un certain langage, a été continué, reçu dans un autre sens, tout autre, dans et sur un (tout) autre plan, dans et sur un (tout) autre langage. J’ai eu tort de ne pas le prévoir, de ne pas compter, de ne pas prévoir qu’il en pouvait être ainsi, qu’il en devait peut-être être ainsi, qu’en fait il en serait