Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coûte plus aucune révolution économique, industrielle, sociale, temporelle, et nos bourgeois de l’un et l’autre côté, nos capitalistes de l’un et l’autre bord, de l’une et l’autre confession, les cléricaux et les radicaux, les cléricaux radicaux et les radicaux cléricaux, les intellectuels et les clercs, les intellectuels clercs et les clercs intellectuels ne veulent rien tant, ne veulent que ceci : ne pas payer. Ne point faire de frais. Ne point faire les frais. Ne point lâcher les cordons de la bourse. On me pardonnera cette expression grossière. Mais il en faut une, il la faut dans cette situation grossière. Concert merveilleux, merveilleuse collusion. Tout le monde y gagne tout. Non seulement que ça ne coûte rien, mais aussi, en surplus, naturellement la gloire, qui ne vient jamais jusqu’à ceux qui la méritent. Tout le monde y trouve son compte, et même le nôtre. Une fois de plus deux partis contraires sont d’accord, se sont trouvés, se sont mis d’accord non pas seulement pour fausser le débat qui les divise ou paraît les diviser, mais pour fausser, pour transporter le terrain même du débat là où le débat leur sera le plus avantageux, leur coûtera le moins cher à l’un et à l’autre, poussés par la seule considération de leurs intérêts temporels. L’opération consiste à effacer, à tenir dans l’ombre cet effrayant modernisme du cœur et à mettre en première place, en seule place, le modernisme intellectuel, à tout attribuer, tout ce qui se passe, à la feinte toute-puissance, à l’effrayante, à la censément effrayante puissance du modernisme intellectuel. C’est un décalage, une substitution, un transfert, un transport, une transposition merveilleuse. Un déplacement perfectionné. Les intellectuels sont enchantés. Voyez, s’écrient-ils, comme