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travail honnête interrompu. Vous alourdissez inconsidérément — À ce moment je le priai de me reparler à la deuxième personne du singulier, puisque ces cahiers n’engagent que ma responsabilité personnelle, individuelle. — Tu alourdis inconsidérément ta vie et ta pensée, inconsidérément la vie et la pensée de tes amis, camarades, correspondants et lecteurs en les appesantissant sur ces laideurs et sur ces vilenies. Cela est mal sain. Mieux vaut garder son âme sereine et traiter les grandes questions. J’espérai un moment que tes cahiers tourneraient ainsi. L’heureux et providentiel avertissement de la grippe, ainsi que l’auraient nommé nos amis chrétiens, faillit te détourner des contingences vaines. Alors tu revins au Pascal. Mais pour traiter honnêtement cette grande question de l’immortalité de l’âme ou de sa mortalité, je ne dis pas pour l’épuiser, à peine les cahiers entiers d’une année entière, ou plutôt à peine les cahiers entiers de quatre ou cinq ans pouvaient-ils suffire. Mais tu as redouté le ridicule, qui n’existe pas, et qui n’est qu’une imagination sociale ; toi qui n’es pas un peureux, tu as redouté le ridicule, et pourtant le ridicule n’est qu’une imagination des peureux. Et tu as redouté l’autorité des censeurs, toi qui fais profession d’ignorer toutes les autorités. Pressé de toutes ces peurs, tu nous as donné quelques misérables citations du grand Pascal, citations lamentablement mesquines et déplorablement tronquées et inconvenablement brèves : au lieu qu’il était honnête simplement de nous donner des citations quatorze ou quinze fois plus longues, puisque les citations capitales afférentes à la question que tu osais mettre en cause étaient au moins quatorze ou quinze fois plus longues. Tu as négligé tout