Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Antigone se lamente et sa lamentation me paraît apparentée à la lamentation chrétienne :

quoi ! leurs rires me suivent
Sans pitié ni remords,
Dans ma prison tombeau, morte pour ceux qui vivent,
Vivante pour les morts !

La condamnation prononcée, annoncée par Créon me paraît comme une indication des futures damnations :

Ne savez-vous donc pas que ce chant funéraire
Ne cessera que quand la mort l’aura fait taire !
Allons ! exécutez mon ordre souverain ;
Qu’on la porte sur l’heure au caveau souterrain
Et, là, laissez-la seule et fermez-en l’entrée.
Puis, qu’elle y meure ! ou bien qu’elle y vive enterrée !
Nous n’aurons pas sur nous son sang. Mais que ses yeux
N’aient plus désormais rien à voir avec les cieux !

Antigone se lamente, et l’expression de sa lamentation même est à la fois païenne avec des indications chrétiennes :

Tombeau ! mon lit de noce ! Ô couche souterraine
Où la mort pour la nuit éternelle m’entraîne !

Et le chœur lui rappelle fort opportunément que ce genre de supplice, que vous ne m’empêcherez pas de considérer comme une esquisse de l’enfer, avait souvent été infligé à de grands personnages :

Tu n’es pas la première
Qui perdit la lumière
Et la vie à la fois.