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le Jugement et la Réprobation. Les treize ou quatorze siècles de christianisme introduit chez mes aïeux, les onze ou douze ans d’instruction et parfois d’éducation catholique sincèrement et fidèlement reçue ont passé sur moi sans laisser de traces. Tous les camarades que j’avais à l’école primaire, qu’ils soient devenus des travailleurs manuels ou des travailleurs intellectuels, qu’ils soient devenus des paysans ou des ouvriers, qu’ils soient devenus ou non socialistes et républicains, ne sont pas moins débarrassés que moi de leur catholicisme. C’est cela qui rend si inquiétant l’incontestable envahissement de l’Église catholique, et si redoutable. Quelle que soit la beauté de plusieurs catholiques individuels, toute la puissance de l’Église contemporaine est fondée ou sur l’hypocrisie intéressée, ou sur le cynisme intéressé. Voir Jaurès : « Inoculer au peuple naissant l’hypocrisie religieuse de la bourgeoisie finissante. » Non seulement on a essayé ce crime : la perpétration n’en est pas mal avancée. Iront-ils jusqu’à la consommation ? Faut-il que nous soyons, ma foi, tartufiés ? Cela aussi est une maladie collective.

— Des plus graves et de celles qui nous conduisent le plus laidement à la mort collective. Le plus laidement et le plus sûrement.

— J’ai un ami qui est resté catholique.

— Vous avez un ami qui est resté catholique ?

— J’ai un ami qui est resté catholique, ou, ce qui revient au même, un catholique est resté mon ami. Je le vois quelques heures tous les deux ou trois ans, quand il passe à Paris. Car c’est aussi un provincial. Mon ami est prêtre.

— Vous avez un ami qui est prêtre catholique ?