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vant les gens de guerre et les gens du monde. Le contemplateur tranquille vit doucement derrière eux, tandis que le prêtre le gêne avec son dogmatisme, et le peuple avec son superficiel jugement d’école primaire et ses idées de magister de village. »

— Il me paraît certain que ce Théophraste ingénieux n’avait pas imaginé l’affaire Dreyfus, ni connu M. Duclaux.

— Considérons seulement comme une probabilité qu’il n’avait pas imaginé cette malheureuse affaire. Je ne lui en fais pas un reproche, mais je lui ferais volontiers un reproche, ayant oublié d’imaginer cette imminente affaire, d’avoir assurément généralisé, présomptueusement prophétisé, d’avoir annoncé les temps éternels, d’avoir escompté l’espace infini. C’est un peu de l’astrologie qui avait oublié un puits très terrestre. Il y a beaucoup de puits. Et je lui reproche, ayant fait cet oubli, d’avoir aussi dédaigneusement négligé ma socialisation des moyens d’enseignement. « Le peuple avec son superficiel jugement d’école primaire et ses idées de magister du village » : voilà qui est bientôt dit, mais, monsieur, — c’est à ce Théophraste que je parle, et non pas à Renan, qui depuis nous a donné cet Avenir de la science, qu’il avait produit au temps de sa jeunesse — mais, monsieur, toutes vos généralités deviennent improbables si nous réussissons à donner au peuple cette culture que nous lui devons, que nous n’avons pas toute, que nous recevrons et que nous nous donnerons en la lui donnant. Cela sera long. Cela sera difficile. Mais cela n’est pas impossible. Et même cela est plus facile à organiser que les communications interplanétaires. Et cela n’est pas, en un sens, moins inté-