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mains, malhabiles encore, ont modelé sa figure ; ce sont leurs successeurs qui en ont assoupli les lignes et adouci les traits. Ensemble, ils ont sculpté le marbre, et donné à ce pays sa physionomie propre : grave et sereine, accueillante et pensive, une tête aussi belle que celle de la Pallas Athénienne ou de la Minerve Romaine, — et qu’on va dévoiler devant vous,

À tous ces artisans, apprentis, compagnons et maîtres, qui travaillèrent en commun, je ne souhaiterai pas la bienvenue : les poètes sont chez eux à la Comédie Française.

Mais ce serait une grande joie dans cette maison, où l’on a parfois découvert quelque dramaturge inconnu, si nous avions la bonne fortune de mettre en lumière, dans l’une de nos séances, un poète ignoré qui aurait trouvé une expression nouvelle pour fleurir les lèvres de la belle statue,

Émile FABRE. 

NOTICE

M, l’Administrateur de la Comédie Française a décidé d’offrir l’hospitalité aux poètes, morts et vivants. Qu’il en soit publiquement remercié.

Vivants ou morts, on les connaît trop peu. L’existence actuelle ne comporte ni le goût ni le loisir d’aller vers eux. L’homme moderne est trépidant ; chacun se hâte vers un but. La méditation est un luxe désuet et coûteux ; on ne rêve plus, on ne lit guère davantage, on relit moins encore ; les chefs-d’œuvre de notre littérature, manquant de nouveauté, sont relégués dans leur gloire ; on en rappelle le titre sans plus ; les poètes dont on redit le nom et ceux dont on ne parle pas sont, en dépit des apparences, confondus fraternellement dans le même dédain des foules, qui ne connaissent les vers ni des uns ni des autres.

Et puis, avouons-le : pour se détendre de la lutte