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VOYAGE AU PAYS DE LA QUATRIÈME DIMENSION

geant, ses brusques sauts d’humeur en faisant chaque jour une femme nouvelle, le poète se mirait avec délices dans cet océan de passions toujours renouvelées et cependant toujours identiques, comme dans le miroir de son propre esprit.

Le poète n’avait point le désir de tuer Hydrogène ; d’abord parce qu’il n’en était point jaloux, ne pouvant supposer un seul instant que sa grossière matérialité pût avoir quelque prestige auprès de la femme, et puis aussi parce qu’il tenait à son bonheur. Parfois, par plaisir, il s’était efforcé de se montrer jaloux : il avait fait de rudes enquêtes dans le palais tout entier, il avait même tué un homuncule qui, par sympathie, lui avait dit la vérité, et au plus fort de ses bruyantes colères, il employait instinctivement les moyens les plus subtils et les plus sûrs pour ne rien apprendre de compromettant.

Au surplus, une action violente et brutale n’était point son fait ; la pratique de la poésie l’avait élevé jusqu’aux plus hauts sommets : il tutoyait les astres, bouleversait l’univers, foudroyait les dieux ; il voulait que l’on brisât, après son passage, les objets dont il s’était servi, ne fût-ce qu’un instant ; il eût, à lui seul, combattu une armée de géants. C’était, en un mot, un poète d’orgueil, c’est-à-dire un être infiniment craintif