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— Je n’ai que 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 ans, et je suis perdu ! perdu !

— Tu sortiras de prison ! l’interrompis-je, tâchant de faire taire ses pensées lugubres.

Ah ! que j’aurais voulu pouvoir lui exprimer une tendre pitié !

— N ! (non), répondit-il, je ne verrai plus la lum…

— La lumière du jour, terminai-je mentalement, frappant en même temps : un, un ! ce qui voulait dire : J’ai compris !

Après cela, mon pauvre voisin se tut à jamais. Qu’advint-il de lui ? Je ne l’ai jamais su. Je crois qu’il mourut en prison.

Ma seule récréation en ce temps était de quitter ma cage lorsqu’on me menait aux lieux. Ma cellule n’avait pas encore atteint le dernier degré de perfectionnement. Je ressentais un étrange sentiment d’orgueil lorsque Pachamof était obligé de répondre à mon appel et de me laisser sortir.

Je n’eus jamais l’occasion de m’approcher d’aucune autre cellule ni d’échanger la moindre parole avec mes co-détenus : le staroj me suivait comme mon ombre. Mais chaque fois que j’étais dehors dans le couloir, je me sentais plus heureux quand même. Mes pas étaient plus assurés que d’ordinaire, je marchais lentement, aussi lentement que possible. J’entendais les autres détenus faire la même chose à leurs sorties.