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Rempli d’épouvante et de douleur je me précipite vers le rocher, je veux passionnément leur porter aide et secours, je veux escalader le roc, arrêter le massacre, je me cramponne de toutes mes forces aux arêtes aiguës.

Mais soudain une pensée terrible me remplit d’effroi : « Trop tard, il est trop tard ! »

Alors le sentiment qui m’entraîne à l’aide de mes amis acquiert une intensité immense. Je suis déjà tout prés, encore un moment, et…

Tout à coup un glas funèbre résonne dans les airs. J’entends des éclats de rire, des trépignements fous… Je suis saisi par des bras de fer et lancé dans l’espace…

Ma cellule s’ouvre et mes visiteurs habituels du matin entrent.


Distractions et joies.


Je comprenais parfaitement que je deviendrais fou si cet état de surexcitation se prolongeait. J’étais fermement décidé à maîtriser mon agitation à l’aide de la force de volonté. Sachant d’avance ce qui me tourmenterait le plus, je m’efforçais de ne plus y songer. À peine une pensée funèbre ou un triste souvenir naissaient-ils en moi que je me mettais à réciter une pièce de vers, à fredonner ou à siffler un air quelconque. Pour mon malheur mes geôliers s’en mêlèrent. Le règlement de la prison interdisait tout ce qui pouvait troubler l’ordre et le calme usités de la maison. Ce règlement était pédantesquement suivi. J’essayai de ne pas m’y soumettre — cela eut quelques désagréments pour suite — non des punitions à proprement parler,