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― Hé, là-bas ! toi ! arrière, arrière de la fenêtre !

Je tressaillis, mais ne quittai pas ma place.

― Arrière, te dit-on ! Veux-tu essayer du cachot ? Attends que j’arrive !

De pareils épisodes me rendaient malades. J’étais prêt à pleurer. Je n’avais aucun travail à faire, pas de livres. On m’avait tout pris. On remportait tous les matins même le peigne dont je me servais. Je m’amusais comme un enfant chaque fois que le staroj oubliait de me le prendre. J’avais perdu le sommeil. Je restais quelquefois à me rouler pendant cinq ou six heures de suite dans le lit avant de m’assoupir d’un sommeil fiévreux vers l’aurore. Mais ce sommeil même n’avait pas le don de me rafraîchir et de me reposer. Souvent je me sentais plus las le matin en m’éveillant que la veille en me couchant.


Les nuits.

Je m’efforce en vain de m’endormir. Pour y parvenir je ruse avec moi-même. Mais le repos fuit ma couche, mes paupières brûlent, tout mon corps affaibli par une fatigue sans nom est agité de tremblements nerveux. Je me souviens que quelqu’un m’a conseillé de compter pour pouvoir m’endormir. Je compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10… 100… 400… 700… 1.000… 2.000… En vain ! Tantôt je m’embrouille dans les chiffres, tantôt je me mets à songer, ou plutôt ce sont des pensées qui m’envahissent. Avez-vous vu comme par une chaude journée d’été apparaît sur le pur azur du ciel un petit nuage blanc, puis un autre, un troisième… ils se rencontrent, se joignent