Page:Pavlovsky - En cellule, paru dans Le Temps, 12, 19 et 25 novembre 1879.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mon corps ; mon imagination surexcitée me retraçait les horreurs des tortures du moyen âge, je me sentais pâlir… Je pouvais à peine supporter l’espionnage constant du factionnaire qui me fixait sans relâche à travers le judas.

Pour l’éviter, je m’adossais au mur, dans lequel la porte était percée, et je restais des heures comme cela. Ma pensée s’envolait alors vers la Petite-Russie, ma belle patrie, où j’avais connu plus d’un instant de bonheur. Tous les tableaux qui m’apparaissaient étaient pleins de vie et de vérité.

Le soleil m’inonde de ses rayons dorés et chauds, il me brûle presque… Je ferme mes yeux éblouis par ce luxe de lumière : je vois de vertes prairies où des milliers de grillons me chantent leur mélodie d’été… Plus loin, une légère brise fait passer une houle ondulante sur un champ de blé dont les lourds épis, déjà jaunis et lourds, s’inclinent vers la terre à son passage et murmurent doucement ; j’ai les yeux grands ouverts, mais la conscience de la réalité me quitte. Je suis tout au passé, je ne le fais pas revivre, je revis moi-même avec lui. Et comme c’est doux ! Toute ma vie si pleine de jeunesse et d’espoir repasse devant moi ; tout, tout ce que j’ai pensé, senti, rêvé, s’y reflète… Parfois seulement un sourd malaise me rappelle que je suis enterré vivant dans un sac de pierre… cela me paraît étrange, incompréhensible, invraisemblable. Alors je m’efforce de trouver le fil qui relie entre eux les événements de ma vie, je veux m’expliquer à moi-même comment tout cela a pu arriver. Est-ce possible que ce petit garçon bruni par le grand air et assis sur les genoux