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dique, ainsi que le prouvent les textes cités par M. E. Burnouf. Les autorités les plus respectées s’accordent à placer l’époque de leur rédaction définitive et dernière entre le huitième et le treizième siècle de notre ère. Il est naturel de penser qu’après avoir triomphé du bouddhisme, complètement vaincu dans l’Inde à la fin même du huitième siècle, les Brahmanes songèrent à reconstruire de la base au faîte l’édifice ébranlé de leurs croyances. De là, ces Pourânas qui renouent la chaîne des traditions et groupent autour des divinités les plus vénérées du panthéon indien, tout ce que la mythologie et la poésie leur attribuent de merveilleuses actions et de surnaturelle puissance. Avec ces titres, qui établissent leurs droits au respect de la foule, Brahma, Çiva, Agni, Indra, Vichnou, replacés dans le ciel au rang suprême, continuèrent de régner sur le monde brahmanique. De ces dix-huit Pourânas, le Bhâgavata est le plus moderne ; c’est aussi le plus célèbre, le plus universellement lu, celui que les Hindous du Malabar, de Coromandel, du Dekhan, du Gouzerate et du nord-ouest de l’Inde ont mis le plus d’empressement à traduire dans leurs langues et dans leurs dialectes particuliers ; ajoutons que, plus qu’aucun autre aussi, il intéresse la critique européenne, « à cause de son caractère vraiment encyclopédique, caractère d’autant plus important à constater, qu’il se concilie avec le mouvement animé et libre de la poésie[1]. »

Le Bhâgavata est consacré à la louange de Vichnou, sous sa forme la plus glorieuse et la plus complète de dieu conservateur des êtres et sauveur des hommes. Les perfections de ce dieu, qui s’est tant de fois incarné, se résument excellemment en Krichna, qui devient ainsi le véritable héros du Bhâgavata Pourâna. Il y a lieu de croire que, dans le personnage de Krichna, le brahmanisme a rassemblé quelques-uns des traits qui caractérisèrent Bouddha et le rendirent si populaire dans toute l’Inde ; ce dieu y a gagné une physionomie douce, sympathique, empreinte de charité et de bienveillance, dont la tradition védique ne fournit aucun modèle. Mais si le poète s’est complu dans la peinture de ce personnage célèbre et charmant, s’il le suit pas à pas dans les épisodes de sa vie humaine, qui se succèdent comme une série de tableaux féeriques, champêtres, héroïques et divins, il ne perd jamais de vue son sujet principal qui est le culte spécial de Vichnou. Il dé-

  1. Préface du vol. I du Bhâgavata Pourâna, p. cxli.