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Ils marchaient admirablement à quatre pattes — que dis-je, à huit pattes !

Seulement, naturellement, il y en avait un qui marchait en avant et l’autre le suivait à reculons, comme un crabe. Ils avaient appris à marcher rapidement indistinctement dans les deux sens et vraiment ils étaient arrivés à une adresse qui surprenait tous ceux qui les voyaient tous les jours dans le village.

Mais un beau jour, ils avaient près de six ans, ils plongèrent tous les leurs dans la plus profonde des stupéfactions, des craintes et des admirations, en même temps. L’un des deux s’était redressé crânement sur ses pieds et l’autre plus crânement encore, c’est bien le cas de le dire, se tenait en équilibre la tête en bas sur celle de son frère, une simple badine entre les mains pour garder plus facilement l’équilibre et les jambes tantôt droites, tantôt recourbées avec grâce et nonchalance dans le vide.

Seulement au bout d’une demi-heure, il se plaignit que le sang lui descendait à la tête et il demanda à changer de position et après un instant d’hésitation, il ne tarda pas à remplacer son frère et à le porter à son tour sur sa tête.

Je n’ai point la place, la prétention et le temps de les suivre pas à pas jusqu’à aujourd’hui. Cependant je dois ajouter que depuis plus de dix ans ils ont l’habitude de marcher tout droit, tantôt un en l’air, tantôt l’autre en bas et ils changent de position toutes les heures, simplement pour