Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 130 —

entendu, vous jugerez si, à côté du châtiment, je ne mérite pas un peu de pitié.

— Allez, vous l’avez.

— Tout jeune je me suis trouvé à la tête d’une très belle situation de fortune, ayant eu la chance d’augmenter rapidement celle que m’avait laissée mon père et je me mariai avec une jeune cousine de vingt ans, veuve après dix-huit mois de mariage à peine.

Au bout de cinq ans elle mourut et bientôt j’épousai en seconde noce, pour élever mes deux enfants, une charmante et riche veuve du voisinage qui me donna encore deux enfants et mourut également au bout de quatre ans.

Cette fois, je me suis remarié au loin pour la troisième fois avec une veuve qui est ma femme actuelle et qui me donna trois enfants, soit sept en tout, dont l’ainée, ma fille, est mariée depuis l’année dernière.

Lorsque je fus décoré, j’entendis un jour un gamin murmurant sur mon passage : — fraîchement décoré, ce n’est point comme ses femmes.

De ce jour, un travail lent et obsédant se fit dans mon esprit, avec cette terrible conclusion : arriver enfin à posséder une vierge ! mais comment faire ? Les idées les plus folles me traversaient la tête. Je ne pouvais pas cependant divorcer, empoisonner ma femme que j’adore, comme j’ai adoré les deux premières…

(Ici un sanglot étouffé dans la salle — sensation prolongée).