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et les vieilles tombes, à demi-effacées, sous les injures du temps, les pas des gamins du village et la voracité de l’herbe, forment comme une ceinture mélancolique autour de la vieille église, où chaque soir au haut du clocher tremblant, un hibou familier aidé de sa compagne, module sur un ton chevrotant la prière des morts.

Auprès de la sacristie, formant comme une annexe, le long de l’église, se trouve une seconde pièce ; c’est la salle des morts.

Au fur et à mesure que le cimetière est plein et qu’il faut de la place pour les jeunes morts, si j’ose m’exprimer ainsi, on fait déguerpir les vieux macchabées et sous l’œil paterne et terne tout à la fois du curé, des mains sacrilèges viennent les arracher à leur dernier sommeil.

On laisse à la terre tous les petits os, le fretin lamentable des ancêtres, que tous les peuples ont eu la faiblesse de respecter depuis le commencement du monde, et l’on ramasse seulement les crânes et les tibias que l’on numérote avec soin pour savoir exactement à qui ils ont appartenu…

Quand à Paris, un voyou qui en assomme un autre, lui crie :

— Numérote tes abatis, ce n’est qu’une figure de rhétorique populaire ou plutôt populacière ; au pays des Grisons, c’est comme l’on voit, une sinistre vérité que l’église a fait entrer dans les mœurs de ces braves et simples populations : perinde ac cadaver ! c’est toujours le même procédé.

Lorsque l’opération est terminée et que les