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les textes savants, en -ime, settime, oitime, novime, et aussi en -isme, settisme, etc. (v. Dial. Grég. 32, 11. 51, 12. 236, 21) ne peuvent donc être que des formations postérieures. De même doziesmes W. Brut 2685, quatorziesme W. Rou III 7387 ne se trouvent que plus tard. Des reformations de cette espèce sont aussi naturellement dissettisme, etc. Quel peut donc être le fondement étymologique de cet -ime, -isme, -iesme ? Les ordinaux dépassant seizime (jusqu’à 19), ne se rencontrent pas encore au xie siècle, et au xiie ne se rencontrent que très rarement. Ceux au delà, vinti(s)me, etc. n’apparaissent non plus que rarement dans les textes qui nous sont transmis par des mss. du xiie siècle (p. ex. Rois 143, 303, 394, Dial. Grég.). Comme ils se montrent surtout dans des mss. d’une époque qui présente des exemples de l’amuïssement de l’s, l’examen de l’orthographe ne fournit aucune indication pour l’étymologie. Mall (p. 91) tient la forme -isme pour correcte (cf. Comput 2251 AC trentisme) et pose un lat. -esimus. À l’avis de Mall s’est rangé récemment Knoesel dans sa brochure Ueber die altfrans. Zahlwörter, Erlangen 1884. Une dérivation de -esimus est pourtant impossible ; celui-ci pouvait donner seulement -esme, non -isme (cf. quadragesima : caresme : carême). En outre, un transfert du suffixe latin des nombres ordinaux de dizaines vicesimus, tricesimus, centesimus, etc. aux noms de nombres cardinaux (tren-tisme, quarant-isme, etc.) n’aurait été possible qu’à condition que ces formes latines en -esimus se fussent maintenues dans la langue jusqu’au temps de la formation de trent-isme[1], etc. Or, non seulement elles font défaut au français, abstraction faite du mot devenu substantif quaresme, mais elles manquent même aux autres langues romanes ; du moins les ordinaux tirés des cardinaux là aussi sont les formes populaires. Il est donc invraisemblable qu’une action du lat. vicesimus, tricesimus, etc. se soit exercée dans la formation des noms de nombres ordinaux. D’autre part, s’ils sont d’origine savante, ils peuvent aussi bien avoir été formés d’après un autre modèle. Les formes en -ime (oitime, novime, etc.) peuvent être une imitation de sett-ime = septimus qu’on doit considérer comme savant à cause de son changement d’accentuation (populaire sedme) ou bien encore s’être modelés sur prime = primus. Pour les noms de dizaines vintisme, trentisme, etc., on peut penser à une influence du mot disme, qui revient très souvent et a toujours une s. Le suffixe ordinal -isme ainsi formé pouvait également être transporté aux nombres ordinaux d’unités de 7 à 9 (settisme, etc.), comme le suffixe d’unités aux nombres de dizaines (vint-ime, etc.). Les formes en -isme des dizaines se trouvent particulièrement dans les Dial. Grég., celles en -ime dans les Rois par exemple… L’histoire de la formation de ces ordinaux est incertaine, et de la

  1. On pourrait cependant objecter ici à M. Koeritz que le lat. vulg. aurait pu avoir des formes *vintesimus, etc., au lieu de vicesimus, etc., comme il a eu *vinti, *trinta, au lieu de viginti, triginta, etc. L’argument le plus fort est, en définitive, que -esimu donnerait -esme.