Page:Pasteur - Œuvres de Pasteur réunies, Tome 2, 1922.djvu/19

Cette page n’a pas encore été corrigée
10
ŒUVRES DE PASTEUR

Que l’on dissolve du sucre dans de l’eau de levûre limpide, et qu’on ajoute de la craie, la fermentation s’y établira dès le lendemain ou le surlendemain, et, parce que le milieu est neutre, elle aura une tendance à être exclusivement lactique. On aura beau empêcher le contact de l’air ; il suffira que dans les transvasements ce contact ait eu lieu, et, à moins de précautions toutes particulières, que je ne suppose pas, cela arrivera infailliblement. Néanmoins, il est bien préférable de semer dans le liquide un peu de ferment lactique, parce que, dans le cas contraire, on s’expose à avoir le développement simultané de plusieurs fermentations et celui d’animalcules qui nuisent beaucoup.

Toutes les fois qu’un liquide albumineux de nature convenable renferme un corps tel que le sucre pouvant éprouver des transformations chimiques diverses et dépendantes de la nature de tel ou tel ferment, les germes de ces ferments tendent tous à se propager à la fois, et le plus ordinairement leur développement simultané se présente, à moins que l’un des ferments n’envahisse le terrain plus promptement que les autres. Or, c’est précisément cette dernière circonstance que l’on détermine quand on suit cette méthode de l’ensemencement d’un être déjà formé et prêt à se reproduire. Si l’on ne sème aucun ferment dans un mélange d’eau sucrée, de matière albuminoïde et de craie, on a généralement plusieurs fermentations parallèles avec leurs ferments respectifs, et des animalcules qui paraissent dévorer les petits globules de ces ferments. L’addition préalable d’un ferment déterminé et pur favorise beaucoup la production d’une fermentation unique et correspondante, sans l’assurer dans tous les cas. On peut comparer ce qui se passe dans les fermentations à ce que nous offre un terrain dans lequel on ne place aucune semence. On le voit bientôt chargé de plantes et d’insectes divers qui se nuisent mutuellement.

La pureté d’un ferment, son homogénéité, son développement libre, sans aucune gêne, à l’aide d’une nourriture très bien appropriée à sa nature individuelle, voilà l’une des conditions essentielles des bonnes fermentations. Or, à cet égard, il faut savoir que les circonstances de neutralité, d’alcalinité, d’acidité ou de composition chimique des liqueurs ont une grande part dans le développement prédominant de tels ou tels ferments, parce que leur vie ne s’accommode pas au même degré des divers états des milieux. Que l’on fasse dissoudre, par exemple, du sucre dans de l’eau de levûre très limpide sans ajouter de craie et sans rien semer, on peut être assuré que le surlendemain la fermentation sera alcoolique, avec levûre déposé au fond du vase.