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ŒUVRES DE PASTEUR

ajoutant à de l’eau sucrée de la craie, plus une matière azotée telle que le caséum, le gluten, les membranes animales, la fibrine, l’albumine, etc., le sucre se transforme en acide lactique. Mais l’explication des phénomènes est très obscure. On ignore tout à fait le mode d’action de la matière plastique azotée. Son poids ne change pas d’une manière sensible. Elle ne devient pas putride. Elle se modifie cependant et elle est continuellement dans un état d’altération évidente, bien qu’il soit difficile de dire en quoi il consiste. Des recherches minutieuses n’ont pu jusqu’à présent faire découvrir le développement d’êtres organisés. Les observateurs qui en ont reconnu ont établi, en même temps, qu’ils étaient accidentels et nuisaient au phénomène.

Les faits paraissent donc très favorables aux idées de M. Liebig ou à celles de Berzelius. Aux yeux du premier, le ferment est une substance excessivement altérable qui se décompose et qui excite la fermentation par suite de l’altération qu’elle éprouve elle-même en ébranlant par communication et désassemblant le groupe moléculaire de la matière fermentiscible. Là, selon M. Liebig, est la cause première de toutes les fermentations et l’origine de la plupart des maladies contagieuses. Pour Berzelius, l’acte chimique de la fermentation rentre dans les actions de contact. Ces opinions obtiennent chaque jour un nouveau crédit. On peut, à cet égard, consulter le Mémoire de MM. Fremy et Boutron sur la fermentation lactique, les pages qui traitent de la fermentation et des ferments dans le bel ouvrage que M. Gerhardt[1] a laissé en mourant, enfin le Mémoire tout récent de M. Berthelot sur la fermentation alcoolique[2]. Ces travaux s’accordent à rejeter l’idée d’une influence quelconque de l’organisation et de la vie dans la cause des phénomènes qui nous occupent. Je suis conduit à une manière de voir entièrement différente.

Je me propose d’établir dans la première partie de ce travail que, de même qu’il existe un ferment alcoolique, la levûre de bière, que l’on trouve partout où il y a du sucre qui se dédouble en alcool et en acide carbonique, de même il y a un ferment particulier, une levûre lactique, toujours présente quand du sucre devient acide lactique, et que, si toute matière plastique azotée peut transformer le sucre en cet acide, c’est qu’elle est pour le développement de ce ferment un aliment convenable.

  1. GERHARDT. Traité de chimie organique. Paris, 1856,4 vol.. in-8°.
  2. BERTHELOT. Sur la fermentation alcoolique. Comptes rendus de l'Académie des sciences, XLIV, 1857, p. 702-706. (Notes de l'Édition.)