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delle, de la paille pour édredon, le grand air pour brûler le caporal, et voilà !

WILHELMINE, à Mina.

Que nous disait donc Frédéric ?

MINA, à Wilhelmine.

Ils sont doux comme des agneaux… (Haut.) Excusez-nous, messieurs les Français, c’est qu’on nous avait dit de vous des choses… vous ne mettez donc pas tout à feu et à sang ? vous ne videz donc pas toutes les caves ; et vous n’embrassez donc pas de force toutes les femmes ?

CHAMBORD.

Belle Allemande aux yeux châtains, nous ne prenons que les bouteilles et que les baisers qu’on nous donne… encore faut-il que le vin soit bon, et les femmes jolies… comme vous.

MINA.

Il a l’air aimable, ce gros là-bas.

WILHELMINE.

Frédéric nous a trompées.

PASCAL[1].

Vous n’êtes pas encore bien tranquille, madame, je vois ça… si nous pouvions changer de caserne, nous vous débarrasserions de nous… mais pas moyen… cloués ici pour un mois, la valeur de trente jours, mesure de France… v’là les billets de logement.

CHAMBORD.

Où faut-il claquemurer nos individus, bourgeoise ? parlez… obéissance au doigt et à l’œil ; vous êtes not’ chef de file.

PASCAL.

Moins que rien ; un petit taudis, une suspente ; ça nous ira.

WILHELMINE, à part.

Oh ! je n’ai rien à redouter de ces gens-là ! (Haut.) Demeurez ici, je vais vous faire préparer un logement convenable. Mina, tu disposeras le pavillon du jardin.

CHAMBORD.

Un pavillon, rien que ça de monnaie !

WILHELMINE.

Messieurs les Français, vous serez traités au château de Ranspach comme des hôtes, comme des amis.

Elle sort par la droite.

CHAMBORD et PASCAL.

Des amis !

MINA, à part.

Pour commencer, je veux leur faire des lits comme ils n’en ont jamais eu.

Fausse sortie.

PASCAL, à part.

Elle a de ça, cette baronne-là !

Ils ôtent leurs sacs.

MINA, revenant, à Pascal.

Monsieur le troupier, si j’avais mieux visé où vous aurais-je attrapé ?

PASCAL.

Là, juste au milieu du front… mais c’est oublié, mon enfant.

MINA, plus timidement.
Air d’Arwed.
––––Si vous vouliez…
PASCAL.
––––Si vous vouliez… Quoi donc ?…
MINA, encore plus timidement.
––––Si vous vouliez… Quoi donc ?… Hélas ! je n’ose…
PASCAL.
––––Dites toujours, allez, n’y a pas d’affront.
MINA, hésitant.
––––Je veux… je veux… tenez, voilà la chose,
––––Vous embrasser, juste au milieu du front.

Elle l’embrasse.

PASCAL.
––––Charmante enfant !
CHAMBORD, stupéfait.
––––Charmante enfant ! Reine des créatures !…
––––Est-il heureux c’ Pascal ! quel coup d’ soleil !…
––––J’ me f’rais ouvrir sur toutes les coutures
––––Pour qu’on m’ reprise avec du fil pareil !
––––Oui, qu’on m’ déchir’ sur toutes les coutures,
––––Mais qu’on m’ racc’mode avec du fil pareil !
MINA.

Je suis sûre, à présent, que vous ne m’en voudrez plus ; adieu !

CHAMBORD.

Un instant ! et moi, pas un petit… avant la fin de la distribution.

MINA, se sauvant.

Est-ce que je vous ai visé à la tête, vous ?

CHAMBORD, courant après Mina.

Mais tu m’as attrapé au cœur, enchanteresse ! Psit ! glissée dans les doigts comme une anguille !


Scène VI.

CHAMBORD, PASCAL ; puis FRÉDÉRIC.
CHAMBORD, à lui-même[2].

A toi, belle Allemande, à toi met amours… Crédié, Pascal, il me semble que j’ai du trois-six dans les veines, du charbon dans les muscles !

PASCAL.

Assez, assez, Chambord. A compter du quantième ci-inclus, plus de folies… nourris-toi de limonade, bavaroise et autres eaux rougies, à l’effet de battre en brèche ton tempérament de tropique.

CHAMBORD.

Que je me glace, que je me gèle le baromètre ! j’ai de la poudre à canon dans l’estomac, la canicule dans les veines, depuis le baiser qu’elle ne m’a pas donné.

PASCAL.

C’est pas ma faute s’il est tombé là.

FRÉDÉRIC, sortant de la chambre à gauche[3].

Ma lettre est achevée… Le laquais la portera… Ah ! voici les deux soldats, mes auxiliaires.

  1. Chambord, Pascal, Wilhelmine, Mina.
  2. Pascal, Chambord.
  3. Frédéric, Pascal, Chambord.