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WILHELM, s’avançant.

Mon père !

PASCAL, l’arrêtant.

Wilhelm, ce secret est à nous deux… et, si tu le voulais…

Il fait le geste de déchirer la lettre.

WILHELM, s’élançant dans ses bras.

Mon père !

PASCAL.
Air : Vous craignez de rompre une chaîne.
––––Quoi, cher enfant, ce nom si doux de père,
––––Tu me le donn’s, et du fond de ton cœur ?…
––––Pourquoi faut-il qu’une pensée amère
––––Vienne à présent troubler tout mon bonheur !
––––Titre, fortun’, v’là c’ que t’ coût’ mon bonheur !
WILHELM.
––––Ah ! nul regret ici ne m’importune ;
––––L’honneur m’a dit : Efface ton blason.
––––––Votre amour sera ma fortune,
––––––Et pour titre j’aurai votre nom ;
––––––Oui, mon père, j’aurai votre nom.

Scène XII.

PASCAL, WILHELM, UN DOMESTIQUE.
LE DOMESTIQUE.

Monsieur le baron, le notaire vient d’arriver, tout le monde est réuni au salon ; on n’attend plus que vous pour la signature du contrat.

PASCAL.

Un contrat… un mariage !…

WILHELM.

Ah ! sortons, mon père, sortons… je mourrais si je la revoyais, je l’aime tant !

PASCAL.

Tu aimes, toi ? Qui donc ?

WILHELM.

La fille de mon tuteur ; mais à présent que je ne suis plus baron, que je ne suis plus riche, je ne suis plus digne d’elle ; partons.

PASCAL, le retenant.

Pas encore.

WILHELM.

Pourquoi me retenir ? ne les entendez-vous pas ? ils viennent !… Oh ! sortons !

PASCAL, le retenant encore.

Demeure.


Scène XIII.

Les Mêmes, FRÉDÉRIC, LEHNA, LE NOTAIRE, les Invités[1].
CHŒUR.
Air de Norma.
––––––––Quelle heureuse journée !
––––––––De ce bel hyménée
––––––––L’heure est enfin sonnée ;
–––––––––––Venons tous
––––––––––Au rendez-vous ![2]
FRÉDÉRIC.

Ah çà ! Wilhelm, vous êtes inexcusable. Comment ! nous vous attendons depuis une heure… nous sommes obligés de vous venir chercher.

WILHELM, embarrassé.

Monsieur…

FRÉDÉRIC.

Encore ce soldat !… (A Pascal.) J’espère, mon cher monsieur, que nous nous sommes assez longtemps occupés de vos affaires, vous nous permettrez de songer un peu aux nôtres… je ne vous retiens pas, mon brave.

WILHELM, vivement.

Monsieur le baron…

FRÉDÉRIC.

Placez-vous là, monsieur le notaire. (Apercevant Pascal qui regarde attentivement Lehna. A part.) Eh bien, il reste… Enfin, je ne peux pas faire de scandale.

LE NOTAIRE, lisant.

« Par-devant… »

FRÉDÉRIC.

Non, non, un instant, monsieur le notaire ; avant que vous lisiez ce contrat, je veux donner à mon gendre un témoignage éclatant de mon amitié. Wilhelm ! je suis votre seul parent, et à ce titre, je vous dois un cadeau de noces ; cet acte est une donation en bonne forme de mon domaine de Rumberg en Illyrie.

WILHELM.

Monsieur le baron, je ne puis…

FRÉDÉRIC.

Son revenu est de quarante mille florins.

PASCAL, prenant le contrat.

Nous acceptons.

FRÉDÉRIC.

Comment, vous acceptez !… Mais de quoi donc se mêle-t-il ?… Cet homme me fera prendre les soldats, en aversion.

PASCAL.

Seulement, en échange de ce don généreux, M. Wilhelm vous doit faire connaître un secret qui vient de lui être révélé… car il faut que vous sachiez bien à qui vous faites un si magnifique présent.

Il passe près de Frédéric.

FRÉDÉRIC.

Je voudrais savoir d’abord de quel droit vous…

PASCAL.

Lisez, monsieur le baron.

FRÉDÉRIC.

Comment, lisez !…

Il prend la lettre. Chambord et sa femme entrent au fond.

  1. Mina, Chambord, Wilhelm, Pascal, Frédéric, Lehna.
  2. Pascal, Wilhelm, Frédéric, le Notaire, au deuxième plan ; Lehna.