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Scène IX.

Les Mêmes, CHAMBORD ; puis WILHELM et FRÉDÉRIC.
CHAMBORD.

Pascal, le lien est choisi, un amour de terrain ; quelle partie tu vas faire là-dessus !

WILHELM[1].

Me voici, monsieur.

FRÉDÉRIC, à part.

Mes dragons sont en embuscade.

PASCAL, à part.

C’est son fils !

CHAMBORD.

Partons !

WILHELM.

Vous hésitez ?

PASCAL.

Non !… je refuse.

TOUS.

Il refuse !

CHAMBORD.

Est-ce qu’il a perdu la boule ?

WILHELM.

Me forcerez-vous à douter de votre courage ?

PASCAL, à Mina.

Oh ! c’est son fils, n’est-ce pas ?

WILHELM.

Me forcerez-vous à vous refuser le titre d’homme de cœur ?

PASCAL, à Mina.

Ah ! c’est bien son fils, tu me l’as juré ?

WILHELM.

Allons, monsieur, suivez-moi !

PASCAL.

Jamais ! (A Mina.) Ce souvenir, cet adieu de Wilhelmine… Ah ! il me le faut !

Il sort à droite en entraînant Mina.

CHAMBORD.

Il s’en va !

WILHELM.

Il refuse, lui, un soldat !

CHAMBORD.

Ah ! nom d’une citadelle ! il aura bu quelque chose de froid !


Scène X.

FRÉDÉRIC, WILHELM, CHAMBORD[2].
FRÉDÉRIC, à part.

Est-ce que notre allure guerrière l’aurait intimidé ?

CHAMBORD, à part.

Pascal, le brave des braves !… il file !… Il canne…

FRÉDÉRIC.

Ah ! Wilhelm, mon très-cher, votre conduite a été superbe !… digne de vous et de moi.

WILHELM.

Après ce qui vient de se passer, cet homme ne peut rester plus long-temps au château… Monsieur le baron, donnez, je vous prie, les ordres nécessaires pour qu’il en sorte à l’instant.

Il sort par la gauche.

FRÉDÉRIC, le reconduisant.

Soyez tranquille… je me charge de l’éconduire, et ça ne sera pas long. (A lui-même, en regardant la porte par laquelle Pascal est parti.) Ah ! tu ne te bats pas, toi !…

CHAMBORD.

Hein !…

FRÉDÉRIC.

Ah ! tu as peur !

CHAMBORD.

Je n’avalerai jamais tout ça…

FRÉDÉRIC.

Je vais te traiter en conséquence, mon drôle !

CHAMBORD, à part.

Et d’abord, toi, vieux parchemin, je vas te dépoudrer. (Haut.) Pardon, faites excuse… vous dites que Pascal, mon ami, a eu peur… il y a erreur, monseigneur !

FRÉDÉRIC.

Hein ?… que veut cet homme ?

CHAMBORD.

Cet homme veut rabattre vos fanfaronnades et vous dire vot’ fait ; voilà ce qu’il vous veut, cet homme.

FRÉDÉRIC.

Vous oubliez que vous n’êtes qu’un fermier, et que je pourrais…

CHAMBORD.

Je ne suis le fermier de personne, je suis le mien. Je suis libre, je suis mon maître, je suis ma propriété, entends-tu ? vilain vieux !

FRÉDÉRIC.

Drôle ! je te ferai perdre tes revenus !

CHAMBORD.

Mes revenus, je m’en moque pas mal ! je m’en bats feuil, de mes revenus ; j’ai encore des mains au bout des bras, y aura toujours de la terre sous mes pieds et du soleil là-haut.

FRÉDÉRIC.

Mais, décidément, tu m’insultes !… je vais te faire arrêter ; te faire donner la schlagg.

CHAMBORD.

La schlagg à moi !… Est-ce que je suis Allemand ? est-ce que je suis né dans ton pays de choucroutes et de têtes carrées ? Je suis Français, toujours Français ! A bas le sarreau de vassal. Tiens,

  1. Frédéric, Wilhelm, Chambord, Pascal, Mina.
  2. Frédéric, Wilhelm, Chambord.