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CHAMBORD, à part.

Diable ! je n’avais pas songé à ça !

PASCAL.

Oh ! je ne sortirai pas d’ici sans savoir…

FRÉDÉRIC, en dehors.

Attendez-moi, Wilhelm, laissez partir les équipages ; nous rejoindrons nos amis dans la forêt, avec notre calèche.

PASCAL, apercevant Frédéric.

Qui vient là ? Chambord, quel est cet homme ?

CHAMBORD, à part.

Ah ! mon Dieu ! il va le reconnaître ! (À Pascal.) Ça… c’est un particulier qui veut me poser un bail sur les quatre veines, à l’instar de quatre-vingt-quinze sangsues… Allons-nous-en.

PASCAL.

Attends ! je me souviens… c’est…

CHAMBORD.

C’est un vieux singe… allons-nous-en.

FRÉDÉRIC, entrant.

Ah ! ah ! vous voilà, paysan ! (Il cherche des papiers sur un guéridon.) Après le Champagne, les affaires. Nous allons causer un peu du bail de notre ferme.

PASCAL, bas.

Il a dit notre ferme ; mais la ferme que tu exploites appartient à Wilhelmine.

CHAMBORD.

Sans doute.

PASCAL, avançant d’un pas et passant entre Chambord et Frédéric.

C’est lui ! alors…

FRÉDÉRIC.

Que me veut ce soldat ?

CHAMBORD.

Qu’est-ce qui te prend donc, Pascal ?

PASCAL, à Frédéric.

Me reconnaissez-vous, monsieur ?

FRÉDÉRIC.

Vous ?… pas le moins du monde !

PASCAL.

Regardez-moi bien.

FRÉDÉRIC.

Ah ! attendez donc !… n’êtes-vous pas le soldat que j’ai vu ici, il y a… ?

PASCAL.

Il y a dix-huit ans… c’est cela… Vous vous êtes donc marié, monsieur ?

CHAMBORD, à part.

Pourquoi diable lui demande-t-il ça ?

FRÉDÉRIC.

Oui, soldat, oui, je me suis marié à peu près à la même époque.

PASCAL, à part.

C’est cela, après mon départ… (Haut.) Et vous l’aimez bien, votre femme ?… elle vous aime aussi, sans doute ?

FRÉDÉRIC.

Je me flatte d’avoir seul fait battre son cœur.

PASCAL.

Elle vous l’a dit ?

FRÉDÉRIC.

Très-souvent !

PASCAL.

Eh bien, elle vous a trompé !

FRÉDÉRIC.

Hein ?

CHAMBORD.

Qu’est-ce qu’il dit ?

FRÉDÉRIC.

Ma femme !…

PASCAL.

En a aimé un autre…

FRÉDÉRIC.

Un autre que moi ?…

CHAMBORD, à part.

Miséricorde !… j’y suis à présent !… cacophonie des cacophonies !

PASCAL.

Elle ne vous a donc rien avoué votre femme ?

CHAMBORD, à part.

Qu’est-ce que j’ai fait là !… (Haut.) En v’là assez, Pascal !

FRÉDÉRIC.

Mais qu’avait-elle donc à m’avouer, monsieur ?

CHAMBORD.

Rien du tout !

PASCAL.

Elle avait à vous dire qu’elle avait donné son cœur à un soldat qui lui avait consacré sa vie toute entière, l’insensé !… et pour mieux le tromper, elle lui avait envoyé un gage de cet amour menteur !

FRÉDÉRIC.

Qu’est-ce que j’apprends-là ?

CHAMBORD.

Ne faites pas attention, monsieur le baron. Pascal, la cariole est prête… en route !

FRÉDÉRIC.

Pas encore ; je veux savoir au juste…


Scène VII.

Les Mêmes, WILHELM.
PASCAL, à Chambord.

Laisse-moi donc rassurer cet homme… laisse-moi lui dire que je ne verrai plus celle qui m’a trompé ; laisse-moi lui dire que la haine et le mépris ont remplacé l’amour que j’avais gardé dans mon cœur… (Wilhelm entre par la droite.[1]) Oui, il n’y a plus là que de la haine et du mépris pour Wilhelmine !

WILHELM et FRÉDÉRIC.

Wilhelmine !

CHAMBORD.

Oh ! tais-toi, Pascal, tais-toi !

FRÉDÉRIC.

Wilhelmine… mais ma femme s’appelle Gertrude.

WILHELM.

Vous venez de prononcer le nom de Wilhelmine, monsieur ?

  1. Chambord, Pascal, Wiilhem, Frédéric