Page:Pascal - Pensées, éd. Havet.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée
121
ARTICLE VII.

choses pour en être les exemples ; car, comme on croit toujours que la difficulté est à ce qu’on veut prouver, on trouve les exemples plus clairs et aidant à le montrer, Ainsi, quand on veut montrer une chose générale, il faut en donner[1] la règle particulière d’un cas : mais si on veut montrer un cas particulier, il faudra commencer par la règle générale. Car ou trouve toujours obscure la chose qu’on veut prouver, et claire celle qu’on emploie à la preuve : car, quand on propose une chose à prouver, d’abord on se remplit de cette imagination qu’elle est donc obscure, et, au contraire, que celle qui doit la prouver est claire, et ainsi on l’entend[2] aisément.

4.

Tout notre raisonnement se réduit à céder au sentimentErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.. Mais la fantaisie est semblable et contraire au sentimentErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu., de sorte qu’on ne peut distinguer entre ces contraires. L’un dit que mon sentiment est fantaisie, l’autre que sa fantaisie est sentiment. Il faudrait avoir une règle.


^ « Au sentiment. » Pascal entend par là une sorte de sens et d’évidence intérieure par où nous saisissons la vérité sans l’intermédiaire d’une démonstration, non-seulement en fait de morale, où c’est ce qu’on nomme la conscience, mais en toutes choses. Il appelle sentiment la conception (i l>riori des premiers principes, ou, comme on dit aujourd’hui, des idées pures ; il va jusqu’à dire que nous les connaissons par le cœur : « Le cœur w sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace, et que les nombres sont « intinis, et la raison démontre ensuite, » etc. (viii, 1, à la fin). Pour la fantaisie, c’est la sensibilité variable de chacun.

’(i Semblable et contraire au seulimcnt. « P. R. ajoute : « Semblable « parce qu’elle ne raisonne point, contraire parce qu’elle est fausse. » C’est une glose introduite dans le texte ; mais la fantaisie n’est pas contraire au sonlimenl seulement parce qu’elle e^t fausse ; elle l’est d’abord en ce qu’elle est relative et changeante, tandis ijue le senliment ou l’intuitioii pure est quelque chose d’universel et d’absolu.

  1. « Il faut en donner. » C’est-à-dire il faut donner la règle particulière d’un cas de cette chose générale.
  2. « Et ainsi on l’entend. » Celle qui doit la prouver.