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Ainsi ce sacrifice étant parfait par la mort de Jésus-Christ, et consommé même en son corps par sa résurrection, où l’image de la chair du péché a été absorbée par la gloire, Jésus-Christ avoit tout achevé de sa part ; il ne restoit que le sacrifice fût accepté de Dieu, que, comme la fumée s’élevoit et portoit l’odeur au trône de Dieu, aussi Jésus-Christ fût, en cet état d’immolation parfaite, offert, porté et reçu au trône de Dieu même : et c’est ce qui a été accompli en l’ascension, en laquelle il est monté, et par sa propre force, et, par la force de son Saint-Esprit qui l’environnoit de toutes parts, il a été enlevé ; comme la fumée des victimes, figures de Jésus-Christ, étoit portée en haut par l’air qui la soutenoit, figure du Saint-Esprit : et les Actes des apôtres nous marquent expressément[1] qu’il fut reçu au ciel, pour nous assurer que ce saint sacrifice accompli en terre a été reçu et acceptable à Dieu, reçu dans le sein de Dieu, où il brûle de la gloire dans les siècles des siècles.

Voilà l’état des choses eu notre souverain Seigneur. Considérons-les en nous maintenant. Dès le moment que nous entrons dans l’Église, qui est le monde des fidèles[2] et particulièrement des élus, où Jésus-Christ entra dès le moment de son incarnation par un privilége particulier au Fils unique de Dieu, nous sommes offerts et sanctifiés. Ce sacrifice se continue par la vie, et s’accomplit à la mort, dans laquelle l’âme quittant véritablement tous les vices, et l’amour de la terre, dont la contagion l’infecte toujours durant cette vie, elle achève son immolation, et est recue dans le sein de Dieu.

Ne nous affligeons donc pas comme les païens qui n’ont point d’espérance. Nous n’avons pas perdu mon père au moment de sa mort : nous l’avons perdu, pour ainsi dire, dès qu’il entra dans l’Église par le baptême. Dès lors il étoit à Dieu ; sa vie étoit vouée à Dieu ; ses actions ne regardoient le monde que pour Dieu. Dans sa mort il s’est totalement détaché des péchés ; et c’est en ce moment qu’il a été reçu de Dieu, et que son sacrifice a reçu son accomplissement et son couronnement. Il a donc fait ce qu’il avoit voué : il a achevé l’œuvre que Dieu lui avoit donnée à faire ; il a accompli la seule chose pour laquelle il étoit créé. La volonté de Dieu est accomplie en lui, et sa volonté est absorbée en Dieu. Que notre volonté ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ; et étouffons ou modérons, par l’intelligence de la vérité, les sentimens de la nature corrompue et déçue qui n’a que les fausses images. et qui trouble par ses illusions la sainteté des sentimens que la vérité et l’Évangile nous doit donner.

Ne considérons donc plus la mort comme des païens, mais comme les chrétiens, c’est-à-dire avec l’espérance, comme saint Paul l’ordonne[3], puisque c’est le privilège spécial des chrétiens. Ne considérons plus un corps comme une charogne infecte, car la nature trompeuse se le figure de la sorte ; mais comme le temple inviolable et éternel du Saint-Esprit,

  1. Act., i, 11.
  2. « Qui est le monde des fidèles. » Cela est ajouté, pour appliquer à l’entrée du chrétien dans l'Eglise le texte : Ingrediens mundum.
  3. Thess., iv, 12, 17.