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PREMIER FACTUM


ration par MM. les curés de Paris ; mais pour ce Factum imprimé sous leur nom, qu’ils ont présenté à MM. les vicaires généraux, nous déclarons que c’est un écrit scandaleux, et que ceux qui l’ont fait sont des séditieux, des hérétiques et des schismatiques ? » Qu’est-ce à dire autre chose de parler ainsi, sinon de faire connoître qu’ils honorent les ministres de l’Église quand ils ne les troublent point dans leurs désordres ; mais que, quand ils osent l'entreprendre, ils leur font sentir par leurs mépris, par leurs calomnies et par leurs outrages, ce que c’est que de les attaquer ?

Ainsi il leur sera permis de tout dire ; et les prélats et les pasteurs n’oseront jamais les contredire sans être incontinent traités d’hérétiques et de factieux, ou en leurs personnes, ou en leurs ouvrages ! Ils auront vendu dans leur collège et semé dans toutes nos paroisses l'exécrable Apologie des casuistes, et nous n’oserons faire un écrit pour servir d’antidote à un venin si mortel !

Ils auront mis le poignard et le poison entre les mains des furieux et des vindicatifs, en déclarant en propres termes : « que les particuliers ont droit, aussi bien que les souverains, de discerner par la seule lumière de la raison, quand il sera permis ou défendu de tuer leur prochain ; » et nous n’oserons déférer aux juges ecclésiastiques ces maximes meurtrières, et leur représenter, par un Factum, les monstrueux effets de cette doctrine sanguinaire !

Ils auront donné indifféremment à tous les hommes ce droit de vie et de mort, qui est le plus illustre avantage des souverains : et nous n’oserons avertir nos peuples que c’est une fausseté horrible et diabolique de dire qu’il leur soit permis de se faire justice à eux-mêmes, et principalement quand il y va de la mort de leurs ennemis ; et que bien loin de pouvoir tuer en sûreté de conscience, par une autorité particulière et par le discernement de la raison naturelle, on ne le peut jamais, au contraire, que par une autorité et par une lumière divine ! Ils auront mis en vente toutes les dignités de l’Église, et ouvert l’entrée de la maison de Dieu à tous les simoniaques, par la distinction imaginaire de motif et de prix ; et nous n’oserons publier qu’on ne peut entrer sans crime dans le ministère de l’Église que par l’unique porte, qui est Jésus-Christ, et que ceux qui veulent que l’argent donné comme motif en soit une autre, ne font pas une véritable porte par où puissent entrer de légitimes pasteurs, mais une véritable brèche, par ou il n’entre que des loups, non pas pour paître, mais pour dévorer le troupeau qui lui est si cher !

Ils auront exempté de crime les calomniateurs, et permis, par l’autorité de Dicastillus, leur confrère, et de plus de vingt célèbres jésuites, « d'imposer de faux crimes contre sa conscience propre, pour ruiner de réputation ceux qui veulent nous en ruiner nous-mêmes ; ; » ils auront permis aux juges « de retenir ce qu’ils auront reçu pour faire une injustice ; » aux femmes, « de voler leurs maris ; » aux valets, « de voler leurs maitres ; » aux mères, « de souhaiter la mort de leurs filles quand elles ne peuvent les marier ; » aux riches, « de ne rien donner de leur superflu ; » aux voluptueux, « de boire et de manger tout leur soûl