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POUR LES CURÉS DE PARIS.


nent pour fondement, sinon que Sanchez, Molina, Escobar, Azor, etc. la trouvent raisonnable ; d’où ils concluent « qu’on peut la suivre en toute sûreté de conscience, et sans aucun risque de se damner. »

C’est une chose étonnante, que la témérité des hommes se soit portée jusqu’à ce point ! Mais cela s’est conduit insensiblement et par degrés en cette sorte.

Ces opinions accommodantes ne commencèrent pas par cet excès, mais par des choses moins grossières. et qu’on proposoit seulement comme des doutes. Elles se fortifièrent peu à peu par le nombre des sectateurs, dont les maximes relâchées ne manquent jamais : de sorte qu’ayant déjà formé un corps considérable de casuistes qui les soutenoient, les ministres de l’Eglise, craignant de choquer ce grand nombre, et espérant que la douceur et la raison seroient capables de ramener ces personnes égarées, supportèrent ces désordres avec une patience qui a paru par l'événement, non-seulement inutile, mais dommageable : car, se voyant ainsi en liberté d'écrire, ils ont tant écrit en peu de temps, que l’Eglise gémit aujourd’hui sous cette monstrueuse charge de volumes. La licence de leurs opinions, qui s’est accrue en même mesure que le nombre de leurs livres, les a fait avancer à grands pas dans la corruption des sentimens et dans la hardiesse de les proposer. Ainsi les maximes qu’ils n’avoient jetées d’abord que comme de simples pensées furent bientôt données pour probables ; ils passèrent de là à les produire pour sûres en conscience, et enfin pour aussi sûres que les opinions contraires, par un progrès si hardi, qu’enfin les puissances de l’Eglise commençant à s’en émouvoir, on fit diverses censures de ces doctrines. L’assemblée générale de France les censura en 1642, dans le livre du P. Banny, jésuite, où elles sont presque toutes ramassées ; car ces livres ne font que se copier les uns les autres. La Sorbonne les condamna de même la Faculté de Louvain ensuite ; et feu M. l'archevêque de Paris aussi, par plusieurs censures. De sorte qu’il y avoit sujet d’espérer que tant d’autorités jointes ensemble arrêteroient un mal qui croissoit toujours. Mais on fut bien éloigné d’en demeurer à ce point : le P. Héreau fit, au collége de Clermont, des leçons si étranges pour permettre l’homicide, et les PP. Flahaut et Le Court en firent de même à Caen de si terribles pour autoriser les duels, que cela obligea l’Université de Paris à en demander justice au parlement, et à entreprendre cette longue procédure qui a été connue de tout le monde. Le P. Héreau ayant été, sur cette accusation, condamné par le conseil à tenir prison dans le collège des jésuites, avec défenses d’enseigner dorénavant, cela assoupit un peu l’ardeur des casuistes ; mais ils ne faisoient cependant que préparer de nouvelles matières, pour les produire toutes à la fois en un temps plus favorable.

En effet, on vit paroître, un peu après Escobar, le P. Lamy, Mascaregnas, Caramuel et plusieurs autres, tellement remplis des opinions déjà condamnées, et de plusieurs nouvelles plus horribles qu’auparavant, que nous, qui, par la connoissance que nous avons de l'intérieur des consciences, remarquions le tort que ces déréglemens y apportoient, nous nous crûmes obligés à nous y opposer fortement. Ce fut pourquoi