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ACTE III.

Et ſes yeux vagabonds alloient de toutes parts :
Ils s’eſleuoient aux Cieux d’vne ardeur ſuppliante,
Encor que ie luy fuſſe inceſſammant preſante :
C’eſt le ſujet pourquoy l’on ne peut ignorer,
Que quelqu’autre que moy le faiſoit ſouſpirer.
Et ſi cette raiſon ne fuſt pas bien puiſſante
Pour bannir de mon cœur cette flamme naiſſante ;
Encor qu’il ſoit certain qu’il ne m’hayſſoit pas,
Si crois-ie qu’il bruſloit pour des autres appas.
Et bien qu’il teſmoignaſt quand nous nous ſeparâmes.
D’avoir quelque regret lors que nous le quittâmes ;
I’ay bien veu du depuis ſon peu d’affection,

ALCIONNE’E.

Quoy ! tu pourrois douter qu’il n’euſt de paſſion
Pour des attraits ſi doux, pour des ſi puiſſans charmes,
A qui meſme les Dieux pourroient rendre les armes ?
Quitte cette penſée ; & croy que tes beaux yeux,
Pour ſe faire adorer, font courir en tous lieux :
Qui l’auroit fait venir aux bois de l’Albanie,
Pour des Albaniens ſentir la tyrannie ;
Que pour voir les beautez qui le ſçeurent charmer ?

STHENOBE’E.

Ha ! chere Alcionnée, à quoy me ſert d’aymer
Cet aymable ſubiet ?

ALCIONNE’E.

Cet aymable ſubiet ? Et quel nouuel obſtacle ?

STHENOBE’E.

Quoy mes yeux verrez vous vn ſi cruel ſpectacle ?
Grands Dieux pourrez vous voir ſur vos ſacrez autels
Immoler auiourd’huy le plus beau des mortels ?

ALCIONNE’E.

Quoy ! l’on doit l’immoler ; en es tu bien certaine ?