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ACTE I.

Ie ſçay bien que les Dieux, apres ſes qualitez,
N’ont pour le ſurmonter que leur diuinitez.
Il le faut ſoulager dans l’ennuy qui le preſſe,
Afin qu’il puiſſe voir quelque iour ſa Deeſſe.
Il veut cacher des maux qui me ſont euidens,
Il contraint ſes beaux feux que ie vois trop ardens :
Ie luy veux faire voir que i’en ay connoiſſance,
Et l’aſſeurer qu’en vain il ſe fait violence :
Que ſon mal m’eſt connu, qu’il a beau deguiſer,
Et qu’enfin par mon art ie le puis appaiſer.
Mais ne le vois ie pas qui contemple la Lune ;
Allons pour l’aſſeurer de la douce fortune :
Il eſt ſur ce rocher, où ie le vois touſiours
Qui demande les nuits mieux que les plus beaux iours.

ENDYMION voyant Iſmene.

Ne vois ie point venir l’incomparable Iſmene,
C’eſt elle aſſeurement.

ISMENE.

C’eſt elle aſſeurement. Raconte moy ta peine,
Endymion mon fils, decouure moy ton cœur,
Que depuis ſi long-temps ie vois viure en langueur.
Puis ie donner ſecours au mal qui te poſſede,
Mon art ne ſçauroit il t’apporter du remede ?

ENDYMION.

Tu te trompes Iſmene en te l’imaginant,
Sçaches que dans l’eſtat où ie ſuis maintenant,
C’eſt le rauiſſerent que ie ſens dans mon ame,
Puis qu’il s’en faut bien peu que mon cœur ne ſe paſme :
Que mon oëil ne ſe ferme ayant veu des clartez
Et des fleurs, & des feux, des charmes, des beautez,
Dont il ne pouvoit plus ſupporter la lumiere,
Et ie ne crois pas eſtre en ma force premiere.
Ha ! ie l’ay ſouhaittée, & ie l’ay veue enfin,