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Pourquoi m’en souvenais-je ainsi, lointainement ?
Il parlait comme on chante, et le frémissement
De mon âme d’enfant balançait ses paroles,
Comme de calmes chants au songe des violes.
Il m’appelait : ma sœur. Il était près de moi,
Si près, que je sentais son haleine ; mais quoi !
Des fois, son âme était comme mon âme même,
Lorsque, si douce, avec ce sortilège extrême,
Sa voix me réveillait à mon être étranger,
Sentirai-je jamais de baiser plus léger ?
Qu’était-ce donc, qu’au fond de mes roses perdues
Mes mains disjointes sont de mes seins descendues !

Voici que mon âme est réveillée, et qu’obscure
Je me suis levée, en ma natale parure,
De grand matin, pour voir venir mes bien-aimés ;
Je baignerai ma chair aux fleuves parfumés,
Je laverai mes seins en tes nappes d’ivresses,
Ô Lune ! Et je noîrai dans les ors de mes tresses,
Tes caresses d’argent. Sereine, en mes bras nus
Je fleurirai d’amour mes doux yeux inconnus,
Et sur l’autel défunt ravivant toute flamme,
Du calme de mes mains j’adoucirai mon âme ;
Ou dans mes robes au ciboire descellé,
Parmi ma floraison de lys inviolé,
Mes lourds cheveux brodés de mes mains inflétries,
Je les élargirai semblables aux soieries
Sourdes et pleines d’ombre. Et j’étendrai ma chair,
Comme un lit nuptial de mes roses d’hiver,