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conservé que dans les livres et n’émeut que les lecteurs français, il en est tout autrement de celle du 15 août 778. Le nom du lieu qui vit la fatale déroute, Roncevaux, en évoque jusqu’à aujourd’hui le funèbre souvenir dans les âmes. Le nom de Roland, — l’un des trois chefs mentionnés par Einhard parmi les victimes des Basques, — est encore populaire non seulement en France, mais dans l’Europe presque entière ; sa mort a fait verser des larmes à trente générations après celle qui l’avait connu ; son image a été dressée sous le porche des églises, peinte sur leurs murailles ou leurs verrières ; elle s’est élevée ou s’élève encore, symbole de justice et de liberté, sur la place publique de nombreuses villes saxonnes…

Comment s’expliquent cette survivance extraordinaire et cette propagation incomparable du souvenir d’un événement et d’un personnage qui semblaient ne devoir intéresser qu’une époque et qu’un pays ?

C’est que la France était alors en pleine activité épique : les événements ou les personnages qui frappaient l’imagination des hommes appartenant à la classe guerrière étaient aussitôt l’objet de chants qui, originaires d’un point quelconque, se répandaient promptement, grâce aux « jongleurs », — ces aèdes du moyen âge, — dans le