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lancelot du lac.

qui ne pourrait que vous affliger. — Eh bien ! je ne mangerai pas avant de le savoir.

– Je vous le dirai donc : je pensais à l’ancienne grandeur de votre lignage ; à la prison où vous êtes enfermés ; à la grande cour qu’on tient, en ce moment, où vous devriez tenir la vôtre.

— Quel homme ose tenir sa cour où je devrais tenir la mienne ? — C’est le roi Claudas de la Déserte ; il porte aujourd’hui la couronne dans cette ville, la première de votre héritage. Il vient d’armer chevalier son fils, et c’est pour moi grand sujet de deuil, de voir tant abaissé le noble lignage que Dieu jusqu’alors avait tant protégé. »

En écoutant Pharien, l’enfant sent son cœur gonfler ; il donne du pied contre la table, la renverse et se lève, les yeux rouges, le visage ardent, comme si le sang allait crever ses joues. Pour mieux ruminer sa douleur il sort de la chambre, monte plus haut et va s’accouder à une fenêtre donnant sur les prairies. Pharien l’a bientôt rejoint : « Sire, au nom de Dieu, dites ce que vous avez : pourquoi nous laisser ainsi ? Revenez à la table, vous avez besoin de manger ; faites au moins semblant de le faire, pour votre jeune frère qui ne touchera pas seul à votre écuelle. — Non, laissez-moi, je n’ai pas faim. — Eh bien, nous ne mangerons pas non