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les enfances.

Confus d’être rencontré en si mauvais point, le valet baisse la tête en passant devant l’enfant. « Qui êtes-vous ? demande Lancelot ; où comptez-vous aller ? — Beau sire, répond l’inconnu, Dieu vous croisse honneur ! Je suis un malheureux, près de l’être plus encore, à moins que Dieu ne se lasse de m’éprouver. Je suis pourtant de ma mère et de mon père gentil de race ; mais je n’en ai que plus de regrets : un vilain souffre sans être malheureux, par son habitude de souffrir. »

Lancelot se sentit ému de compassion. « Comment dit-il, vous êtes gentil homme et vous vous désolez pour mauvaise fortune ! Sauf la perte d’un ami, ou la honte qu’on n’aurait pas moyen d’effacer, cœur d’homme doit-il mener grand deuil ? »

Le valet comprit à ces mots que l’enfant était de haut lieu. « Sire, répondit-il, je ne pleure pas de bien perdu ou de honte que j’aie reçue mais je suis ajourné à la cour du roi Claudas, où je dois combattre un traître qui pour une affaire de femmes a surpris dans son lit et tué sans défense un preux chevalier de ma parenté. J’étais parti hier soir de mon logis, accompagné de plusieurs amis ; le traître me fit épier dans le bois où je devais passer ; des gens armés sortirent d’une embuscade, nous attaquèrent à l’improviste et blessèrent mon