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lancelot du lac.

prêt au terme indiqué. — Comment fait l’écuyer, votre champion est las pour si peu ! Monseigneur Segurade ne le serait pas, après avoir mis à merci deux, trois ou quatre de vos meilleurs champions. — Dites ce qu’il vous plaira : tel demande aujourd’hui la bataille qui pourra bien regretter de l’avoir désirée. »

L’écuyer s’éloigne, on se remet au manger. Quand les tables sont levées, messire Gauvain voit dix lances réunies au bout de la salle. Il prend le bois le plus fort, en essuie le fer, en rogne le bois d’un grand pied. Il fait ensuite la revue de ses armes ; l’écu, la guiche et la courroie étaient en bon état. Plus le sénéchal le suit des yeux, et plus sa confiance augmente dans le nouveau chevalier.

Messire Gauvain, le troisième jour, se rendit de grand matin au moutier, avant le service de Notre-Seigneur. La dame de Roestoc arriva avec le sénéchal un peu plus tard. Elle vit son chevalier pieusement agenouillé devant le crucifix, et sa contenance lui parut digne et belle. « Madame, lui dit le sénéchal, nous ne savons quel est votre défenseur ; mais je le tiens à prud’homme ; vous feriez que sage de lui offrir de vos drueries[1], souvent une telle avance fait

  1. Ce joli mot, dérivé de dru, ami, répond à gage de fidèle affection ou d’amour ; le mot actuel joyau n’en serait pas l’équivalent.