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la reine aux grandes douleurs.

mettait au-dessus de toutes les femmes de son temps.

On ne peut douter que Merlin n’eût été engendré dans une femme par un de ces malins esprits qui fréquentent notre monde et sont tellement possédés d’une ardeur impure qu’il leur suffit de regarder une femme pour perdre le pouvoir d’accomplir leurs mauvais desseins. Ils avaient la même ardeur d’imagination avant leur désobéissance et la création d’Ève. Enivrés d’admiration les uns pour les autres, un seul regard suffisait pour porter au comble leur bonheur réciproque. Merlin avait dû pourtant sa naissance à l’un d’entre eux[1]. Sur les marches d’Écosse vivait un vavasseur de condition assez médiocre : il avait une fille qui, venant en âge de prendre un époux, déclara qu’elle ne partagerait jamais la couche d’un homme qu’elle aurait vu de ses yeux. Les parents firent ce qu’ils purent pour lui ôter cette aversion étrange ; elle répondit toujours que, si on la mariait contre son gré, elle deviendrait folle ou se donnerait la mort. Non qu’elle ne fût assez curieuse de savoir en quoi consistait le secret d’union conjugale ; seulement, il lui répugnait

  1. Le récit qu’on va lire diffère assez de celui qu’on a lu dans le Merlin, pour démontrer que le même auteur n’a pas fait le Merlin et le Lancelot.