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les deux géants.

qu’il est jeune et de bonne nature. — Mais voyez donc ; n’est-ce pas encore lui qui se laisse arrêter ? Allez voir, je vous prie, messire Yvain. » Yvain obéit, va reconnaître Dagonnet et les conduit en riant devant la reine. « En vérité, madame, vous aviez bien deviné ; notre chevalier a été pris par Dagonnet. — Oui, dit le sot, je l’ai rencontré près du gué ; je lui ai parlé, il n’a pas répondu : j’ai saisi le frein de son cheval, il m’a laissé faire, et je vous l’amène prisonnier. — C’est fort bien, Dagonnet, dit messire Yvain ; si vous voulez, il restera sous ma garde. — J’y consens, dit le sot, mais en répondez-vous ? — N’en soyez pas inquiet. »

Tout cela fit assez rire la reine et les dames et demoiselles qui l’entouraient car on connaissait Dagonnet pour la plus couarde pièce de chair qu’on pût imaginer.

La reine cependant regardait le bon chevalier. Son grand air et sa bonne tenue n’échappaient pas à son attention. « Savez-vous, Dagonnet, dit-elle, le nom de votre prisonnier ? — Non, madame ; je n’ai pu tirer un seul mot de lui. » Au son de la voix de la reine, le bon chevalier, qui tenait sa lance par le milieu de la hampe, lève la tête, écarte les doigts de la main ; le glaive tombe et va déchirer la soie du manteau de la reine. Surprise étrangement, elle dit à demi-voix : « Ce chevalier ne semble pas avoir