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lancelot du lac.

Il descendit, s’assit sur l’herbe fraîche et déjà se perdait en rêveries, quand de l’autre bord accourt un chevalier qui pousse dans le gué son coursier et fait jaillir l’eau jusque sur lui. « Sire chevalier, dit le Blanc chevalier, vous m’avez fait deux ennuis. Vous avez mouillé mes armes et vous m’avez tiré de pensées où je me plaisais. — Et que m’importent vos armes et vos pensées ? » Sans daigner répliquer, le Blanc chevalier remonte et pousse son cheval dans le gué. L’autre l’arrête : « On ne passe pas ! Je le défends de par la reine. — Quelle reine ? — La femme du roi Artus. »

À ce mot, le Blanc chevalier retient son coursier sur la rive ; mais le prétendu gardien du gué pique jusqu’à lui et va saisir son cheval au frein. « Il est, dit-il, à moi. — Pourquoi ? — Pour être entré dans le gué. » Le Blanc chevalier allait descendre, quand en quittant l’étrier un doute lui vient : « Mais dites-moi, chevalier, au nom de qui venez-vous ? — Au nom de la reine. — Vous en a-t-elle donné la charge ? — Non, puisque vous insistez ; j’agis en mon nom. — Alors vous n’aurez pas mon cheval. Laissez le frein ! — Non. — Laissez le frein, ou vous vous en repentirez. — C’est là ce que nous allons

    dans la partie inédite du livre d’Artus, (Manuscrit de la Bibliothèque nationale, n° 337, p. 180.)