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MERLIN.

jamais le traiter avec rigueur ; il est son frère, non de lait, mais de maison. S’il a de mauvaises inclinations, c’est pour avoir été séparé du sein maternel, et Artus a profité de la bonne et saine nourriture morale qui revenait naturellement à Keu. Remarquons encore que Geoffroy de Monmouth parle une fois de Keu pour lui attribuer le royaume ou le duché d’Anjou. Or les comtes d’Anjou étaient au douzième siècle en possession de la charge héréditaire de grands sénéchaux de la couronne. Leur droit à cette charge, parfaitement établi depuis la fin du dixième siècle, leur semblait-il remonter jusqu’à messire Keu ? Je croirais plutôt que ce fut pour donner à cette grande charge une origine reculée que Monmouth aura fait investir Keu, le sénéchal d’Artus, de la comté d’Anjou.

Cependant Antor conduisit Artus à l’archevêque, et lui demanda pour le jeune écuyer la permission d’essayer l’épreuve de l’enclume en présence des barons, des clercs et du peuple. Artus leva facilement l’épée et la présenta au prélat, qui le prit entre ses bras et entonna un second Te Deum laudamus. Le peuple reconnut au même moment le choix de Dieu ; mais il n’en fut pas de même des barons, qui ne pouvaient se résigner à mettre la couronne de Logres sur la tête d’un enfant de naissance