Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 2.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
MERLIN.

fait prendre la coupe et me mandastes par Bretel que je i béusse pour l’amor de li ; et pour ce voudroie-je estre morte. Et je vous prie et vous requier, com mon seignor, que vous m’enmeigniés à Tintagel, que je ne voil plus estre en ceste ville. »

Le duc indigné rassembla aussitôt ses amis, leur ordonna de seller leurs chevaux, et s’éloigna sans prendre congé. Le roi ressentit un grand chagrin de son départ ; il se plaignit de l’insulte prétendue que lui faisait le duc, et bientôt il alla l’assiéger dans une des deux forteresses de Cornouailles où il pensait que la duchesse devait être avec lui. Le siège traîna fort en longueur, et le roi, qui avait appris qu’Ygierne avait quitté ce château pour s’enfermer dans Tintagel, avait grand’peine à vivre si longtemps loin des lieux où se tenait l’objet de son amour. « Tant que un jor avint qu’il estoit en son pavillon où il ploroit ; et quant ses gens le virent plourer, si s’en fouirent et le laissierent tout seul. Ulfin vint, si li demanda por quoi il plouroit. Li rois respondi : Vous devez bien savoir pour quoi que je muir por l’amor d’Ygierne, et voi bien que à morir me convendra, quar j’ai perdu le boire et le manger et le dormir ; et por ce si ai pitié de moi-méismes. Quant Ulfin ot le roi bien entendu, si dist : Vos estes moult