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NAISSANCE.

lité que le cas le méritait. Enfin, désarmé par l’air de sincérité de la pauvre dolente, il lui prescrivit une pénitence sévère pour le péché de négligence dont elle s’était au moins rendue coupable. « Car, » lui avait-elle dit, « par la grant ire, m’obliai à signier ; ensi obliai tos les comendemens que vos m’aviez fais. Et quand je m’esveillai, si me trouvai honie. » Le prud’homme lui interdit toute distraction profane, toute pensée frivole et déshonnête : « Je la te defens pour tous jours ; fors celle qui avient en dormant, dont nul ne se peut garder. »

Le démon vit avec rage qu’il avait pu souiller le corps de la vierge sans devenir maître de sa pensée, si bien que « il ne savoît que ele faisoit ne que ele disoit plus que se ele n’eust onques esté. » Mais il se consola en pensant qu’au moins l’enfant lui appartiendrait. La grossesse de la demoiselle se déclara, et l’on ne tarda guère à s’en apercevoir. Les autres femmes en la regardant : « Dieu ! belle dame, » disaient-elles, « eh ! que vous est-il arrivé ? « Comme vous prenez du corps ! — C’est la vérité, » répondait-elle. « Seriez-vous donc grosse ? — Je le crois. — Et de qui ? — Que Dieu ne me fasse pas la grâce d’être délivrée, si je le sais. — Avez-vous donc eu affaire à tant d’hommes ? — À Dieu ne plaise qu’un seul